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Le délit de favoritisme constitue une infraction majeure dans le droit français, visant à garantir l’équité et la transparence dans les marchés publics. Ces dernières années, les affaires liées à ce délit se sont multipliées, soulignant l’importance de comprendre ses mécanismes et ses implications pour tous les acteurs de la commande publique. Cet article présente les contours juridiques, les enjeux et les débats actuels entourant cette infraction.

Qu’est-ce que le délit de favoritisme ?

Le délit de favoritisme, défini par l’article 432-14 du Code pénal, sanctionne le fait de procurer ou tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires garantissant la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession.

Cette infraction vise spécifiquement à protéger les principes fondamentaux de la commande publique : liberté d’accès, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures. Elle constitue un des piliers du dispositif anti-corruption français dans le domaine des contrats publics.

Quel est le champ d’application du délit de favoritisme ?

Contrats et acteurs concernés (marchés publics, concessions, pouvoirs adjudicateurs)

Le délit de favoritisme s’applique à un large éventail de contrats de la commande publique, notamment :

  • les marchés publics de travaux, de fournitures et de services ;
  • les contrats de concession et de délégation de service public ;
  • les contrats de partenariat public-privé.

Du côté des acteurs, sont concernés toutes les personnes qui, de par leurs fonctions, peuvent intervenir dans la procédure de passation du marché :

  • les personnes dépositaires de l’autorité publique ;
  • les personnes chargées d’une mission de service public ;
  • les personnes investies d’un mandat électif public ;
  • les représentants, administrateurs ou agents de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ;
  • toute personne agissant pour le compte de l’une des catégories précédentes.

Application aux marchés inférieurs aux seuils de procédure formalisée

Contrairement à une idée reçue, le délit de favoritisme ne concerne pas uniquement les marchés soumis à des procédures formalisées. La jurisprudence a clairement établi que même les marchés à procédure adaptée (MAPA) ou les marchés de faible montant sont concernés. En effet, les principes fondamentaux de la commande publique s’appliquent quel que soit le montant du marché.

La Cour de cassation a ainsi confirmé dans plusieurs arrêts que l’infraction peut être constituée même pour des marchés inférieurs aux seuils réglementaires, dès lors que les principes de liberté d’accès et d’égalité des candidats sont entravés.

Quels sont les éléments constitutifs du délit de favoritisme ?

L’avantage injustifié procuré ou tenté d’être procuré

L’élément central du délit de favoritisme réside dans l’octroi d’un avantage injustifié à un candidat ou à un opérateur économique. Cet avantage peut prendre diverses formes :

  • communication d’informations privilégiées à un candidat ;
  • définition de critères techniques orientés pour favoriser une entreprise ;
  • fractionnement artificiel d’un marché pour éviter les procédures formalisées ;
  • attribution directe sans mise en concurrence préalable.

La jurisprudence considère que la seule tentative de procurer cet avantage suffit à caractériser l’infraction, même si le marché n’a finalement pas été attribué au candidat favorisé.

L’acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires

Le second élément constitutif implique la violation des règles encadrant l’attribution des marchés publics et des contrats de concession. Ces règles sont principalement contenues dans le Code de la commande publique, mais peuvent également provenir d’autres textes législatifs et réglementaires.

Les manquements les plus fréquemment constatés incluent :

  • l’absence de publicité ou de mise en concurrence ;
  • le non-respect des délais de consultation ;
  • des irrégularités dans la composition ou le fonctionnement des commissions d’appel d’offres ;
  • la modification substantielle du contrat après son attribution.

L’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats

Pour que le délit soit constitué, l’acte répréhensible doit porter atteinte aux principes fondamentaux de la commande publique. Cette atteinte se caractérise généralement par une restriction de la concurrence ou un traitement discriminatoire entre les candidats.

Les tribunaux examinent notamment si le comportement reproché a eu pour effet d’écarter certains candidats potentiels ou de fausser les conditions de la mise en concurrence.

L’élément intentionnel : la connaissance de l’irrégularité

L’élément intentionnel du délit de favoritisme, tel que défini à l’article 432-14 du Code pénal, réside dans la réalisation, en connaissance de cause, d’un acte contraire aux règles légales ou réglementaires destinées à garantir la liberté d’accès et l’égalité entre les candidats aux marchés publics ou aux délégations de service public.

Cette intention est établie dès lors que l’auteur a agi en ayant conscience de contrevenir à ces règles (Cass. crim., 14 janv. 2004, n° 03-83.396). Il n’est donc pas nécessaire de démontrer la volonté d’avantager une personne en particulier : le délit est constitué du seul fait que le prévenu savait que son acte était illégal (Cass. crim., 17 oct. 2007, n° 06-87.472).

Personnes susceptibles d’être poursuivies pour délit de favoritisme

Auteurs principaux (élus, agents publics)

L’article 432-14 du Code pénal vise expressément plusieurs catégories de personnes pouvant être poursuivies comme auteurs principaux :

  • les personnes dépositaires de l’autorité publique (préfets, maires, etc.) ;
  • les personnes chargées d’une mission de service public (agents publics) ;
  • les personnes investies d’un mandat électif public (élus locaux, parlementaires) ;
  • les représentants, administrateurs ou agents des organismes publics ou privés chargés de missions de service public.

Quelles sont les sanctions encourues ?

Le délit de favoritisme est sévèrement puni par la loi. L’article 432-14 du Code pénal prévoit des sanctions qui peuvent aller jusqu’à :

  • 2 ans d’emprisonnement ;
  • 200 000 euros d’amende (montant pouvant être porté au double du produit tiré de l’infraction).

À ces peines principales peuvent s’ajouter des peines complémentaires, notamment :

  • l’interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
  • l’interdiction d’exercer une fonction publique ;
  • l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale ;
  • la confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus.

Le délai de prescription de l’action publique est de 6 ans à compter de la découverte des faits.

Bonnes pratiques et dispositifs de compliance pour les acheteurs publics

Pour se prémunir contre le risque de favoritisme, les acheteurs publics peuvent mettre en œuvre plusieurs mesures préventives :

  1. Former régulièrement le personnel aux règles de la commande publique
  2. Mettre en place des procédures internes strictes avec séparation des fonctions
  3. Documenter systématiquement les étapes de prise de décision
  4. Assurer la traçabilité des échanges avec les candidats
  5. Recourir à des experts juridiques en cas de doute
  6. Développer des cartographies des risques spécifiques aux marchés publics
  7. Instaurer des contrôles internes renforcés sur les procédures d’achat

Ces dispositifs, inspirés des pratiques de compliance du secteur privé, permettent de réduire significativement les risques tout en renforçant la qualité des processus d’achat.

Quel avenir pour le délit de favoritisme dans la commande publique ?

Le délit de favoritisme demeure un pilier essentiel de la lutte contre la corruption dans la sphère publique française. Si des voix s’élèvent régulièrement pour demander son assouplissement, il semble que la tendance générale reste à la vigilance accrue en matière de probité publique.

L’évolution de la jurisprudence a toutefois permis d’ajuster l’application de ce délit, en prenant davantage en compte l’élément intentionnel et en adaptant les sanctions à la gravité réelle des faits. Cette jurisprudence, couplée aux efforts de prévention et de formation, permet d’équilibrer l’exigence de rigueur avec la nécessité d’efficacité de l’action publique.

À l’heure où les enjeux de transparence et d’éthique sont au cœur des préoccupations citoyennes, le délit de favoritisme conserve sa pertinence comme garde-fou contre les dérives dans l’attribution des contrats publics.

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