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Harcèlement moral au travail : guide complet (définition, preuves, obligations et actions)

Le harcèlement moral au travail constitue une problématique majeure dans le monde professionnel, touchant des milliers de salariés chaque année. Ce phénomène, aux conséquences parfois dévastatrices sur la santé physique et mentale des victimes, s’inscrit dans le cadre plus large des risques psychosociaux. Pour y faire face efficacement, il est essentiel de comprendre sa définition légale, d’identifier les moyens de preuves recevables et de connaître les obligations des différents acteurs de l’entreprise. Ce guide complet vous propose un éclairage juridique et pratique sur cette réalité préoccupante.

Qu’est-ce que le harcèlement moral au travail ?

Le harcèlement moral au travail est précisément défini par la loi française. Selon l’article L1152-1 du Code du travail, il s’agit d' »agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Le Code pénal, à travers l’article 222-33-2, le définit également comme un délit passible de sanctions pénales, ce qui souligne la gravité que le législateur accorde à ces comportements. Le harcèlement moral peut être exercé par différents acteurs au sein de l’entreprise :
  • L’employeur ou un supérieur hiérarchique (harcèlement vertical descendant)
  • Un collègue de même niveau (harcèlement horizontal)
  • Un subordonné envers son supérieur (harcèlement vertical ascendant)
  • Un groupe de personnes envers un individu isolé
Contrairement aux idées reçues, la victime de harcèlement moral peut être tout salarié, indépendamment de son statut, de son ancienneté ou de son niveau hiérarchique dans l’entreprise.

Les éléments constitutifs et les formes de harcèlement

Pour caractériser le harcèlement moral, plusieurs éléments constitutifs doivent être réunis : La répétition des agissements est fondamentale. Un acte isolé, même grave, ne peut être qualifié de harcèlement moral. La jurisprudence a cependant reconnu qu’une succession d’actes sur une période relativement courte peut suffire à caractériser cette répétition. La dégradation des conditions de travail constitue le deuxième élément essentiel. Cette dégradation peut prendre diverses formes concrètes, identifiées par la jurisprudence :
  • L’isolement d’un salarié (mise à l’écart physique, exclusion des réunions)
  • Des critiques constantes et injustifiées du travail réalisé
  • L’attribution de tâches dégradantes ou inadaptées aux compétences
  • La surcharge ou la sous-charge intentionnelle de travail
  • Des brimades, moqueries ou humiliations répétées
  • Le contrôle excessif et permanent de l’activité
  • La privation d’informations nécessaires à l’exécution des tâches
  • La mise sous pression constante avec des objectifs irréalisables
La Cour de cassation a notamment reconnu comme constitutif de harcèlement moral « un management par la peur » ou « des méthodes de gestion caractérisées par des comportements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail » (Cass. soc., 10 novembre 2009, n°07-45.321). L’atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à l’avenir professionnel représente le troisième élément caractéristique. Il n’est pas nécessaire que l’ensemble de ces atteintes soit constaté, l’une d’entre elles suffit à caractériser le harcèlement moral.

Prouver le harcèlement moral : la charge de la preuve

La preuve du harcèlement moral bénéficie d’un régime particulier, favorable au salarié qui s’en prétend victime. L’article L1154-1 du Code du travail établit un aménagement de la charge de la preuve :
  1. Le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. 2. L’employeur doit ensuite prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. 
Cette mécanique probatoire allégée ne dispense pas le salarié de réunir un faisceau d’indices concordants, mais elle lui évite d’avoir à démontrer formellement tous les éléments constitutifs du harcèlement. Les preuves du harcèlement moral peuvent prendre diverses formes :
  • Témoignages de collègues ou d’anciens salariés ; 
  • Attestations du médecin du travail ou du médecin traitant ;
  • Échanges écrits (emails, SMS, notes de service) ;
  • Enregistrements audio (sous certaines conditions) ;
  • Rapports du CSE ou du CHSCT ; 
  • Certificats médicaux attestant de troubles psychologiques ou physiques; 
  • Journal de bord détaillant précisément les faits, dates et témoins éventuels. 
La jurisprudence récente confirme qu’un faisceau d’indices concordants peut suffire à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral, même en l’absence de preuve directe.

Obligations de l’employeur : prévention et réaction

L’obligation de prévention des risques professionnels

L’employeur est soumis à une obligation générale de prévention des risques professionnels, incluant explicitement le harcèlement moral. Les articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail lui imposent de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Cette prévention doit se traduire par :
  • L’établissement d’une politique claire contre le harcèlement ; 
  • La mise en place de formations de sensibilisation ;
  • L’intégration du risque de harcèlement dans le Document Unique d’Évaluation des Risques (DUER) ;
  • L’élaboration de procédures internes de signalement et de traitement. 

L’obligation d’agir immédiatement en cas de signalement

Face à un signalement de harcèlement moral, l’employeur doit réagir promptement en :
  • Diligentant une enquête interne impartiale et approfondie ;
  • Prenant des mesures conservatoires si nécessaire pour protéger la victime présumée ;
  • Mettant en œuvre des actions pour faire cesser les agissements signalés ;
  • Sanctionnant l’auteur du harcèlement si les faits sont établis. 
Cette obligation d’agir s’impose dès que l’employeur a connaissance de possibles faits de harcèlement, même en l’absence de plainte formelle.

La responsabilité de l’employeur

La jurisprudence a longtemps considéré que l’employeur était tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral. Depuis 2015, la Cour de cassation a nuancé cette position : l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires et avoir réagi de manière adéquate dès qu’il a eu connaissance des faits (Cass. soc., 1er juin 2016, n°14-19.702). Néanmoins, sa responsabilité demeure engagée dès lors qu’il n’a pas mis en œuvre les actions préventives requises, même s’il n’est pas lui-même l’auteur du harcèlement.

Rôles et actions des instances et intervenants

Le rôle du CSE (Conseil Social et Économique)

Le CSE joue un rôle central dans la prévention et le traitement du harcèlement moral :
  • Il dispose d’un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes ; 
  • Il peut mener des enquêtes conjointes avec l’employeur ;
  • Il doit être consulté sur les mesures de prévention des risques psychosociaux ; 
  • Il peut solliciter l’intervention d’experts externes en cas de risque grave. 
Les élus du CSE bénéficient d’une protection renforcée pour exercer ces missions sans crainte de représailles.

L’intervention du médecin du travail

Le médecin du travail occupe une position stratégique :
  • Il peut préconiser des aménagements de poste ou des mutations ; 
  • Il est habilité à proposer des mesures individuelles ou collectives de prévention ;
  • Il peut alerter l’employeur lorsqu’il constate un risque pour la santé des salariés ;
  • Il reçoit les salariés en souffrance et peut délivrer des attestations médicales. 
Son indépendance professionnelle lui permet d’exercer pleinement son rôle de conseil tant auprès de l’employeur que des salariés.

La médiation comme outil de résolution des conflits

L’article L1152-6 du Code du travail prévoit la possibilité de recourir à une médiation. Cette procédure, facultative et confidentielle, permet l’intervention d’un tiers impartial pour :
  • Faciliter le dialogue entre les parties ;
  • Rechercher une solution amiable ;
  • Rétablir des relations de travail apaisées. 
Le médiateur peut être désigné d’un commun accord ou choisi sur une liste établie par l’autorité administrative.

Victime de harcèlement moral : quels recours et protections ?

Plusieurs voies de recours s’offrent à la victime de harcèlement moral : La saisine du Conseil de prud’hommes permet de demander :
  • La résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur ;
  • Des dommages-intérêts pour préjudice moral et professionnel ;
  • La reconnaissance d’une inaptitude d’origine professionnelle. 
Le dépôt de plainte pénale peut être effectué :
  • Auprès du procureur de la République ;
  • Auprès des services de police ou de gendarmerie ;
  • Par voie de citation directe devant le tribunal correctionnel. 
Le signalement à l’inspection du travail peut déclencher une enquête et des mises en demeure. La loi protège spécifiquement les salariés qui dénoncent ou témoignent de faits de harcèlement moral. L’article L1152-2 du Code du travail interdit toute sanction, licenciement ou mesure discriminatoire à leur encontre. Tout licenciement prononcé dans ce contexte serait frappé de nullité, permettant la réintégration du salarié ou une indemnisation renforcée.

Sanctions encourues

Les conséquences juridiques du harcèlement moral sont multiples et sévères : Pour l’auteur du harcèlement :
  • Sur le plan disciplinaire : jusqu’au licenciement pour faute grave ;
  • Sur le plan pénal : jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende (art. 222-33-2 du Code pénal). 
Ces sanctions sont aggravées en présence de circonstances particulières, comme la vulnérabilité de la victime. Pour l’employeur en cas de manquement à ses obligations :
  • Condamnation à des dommages-intérêts pour préjudice moral ;
  • Majoration des indemnités de rupture en cas de prise d’acte ou de résiliation judiciaire ;
  • Prise en charge des conséquences d’une inaptitude professionnelle ;
  • Sanctions administratives prononcées par l’inspection du travail. 
La jurisprudence révèle des condamnations importantes, proportionnées à la gravité des manquements constatés et à l’ampleur du préjudice subi par les victimes.

Liens entre harcèlement moral, accident du travail et maladie professionnelle

Les conséquences du harcèlement moral sur la santé peuvent être reconnues comme accident du travail ou maladie professionnelle : L’accident du travail peut être retenu en cas d’événement soudain (malaise, tentative de suicide) survenu par le fait ou à l’occasion du travail, en lien avec le harcèlement. La reconnaissance en maladie professionnelle est plus complexe mais possible par la procédure de reconnaissance individuelle (CRRMP) pour les affections psychiques liées au harcèlement moral. Cette reconnaissance permet une indemnisation plus favorable pour le salarié :
  • Prise en charge à 100% des soins médicaux ;
  • Indemnités journalières plus avantageuses ;
  • Rente en cas d’incapacité permanente partielle ;
  • Indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur.
La Cour de cassation a confirmé que l’employeur commet une faute inexcusable lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Conclusion

Le harcèlement moral au travail représente une problématique complexe dont les conséquences peuvent être dramatiques pour les victimes. La législation française offre un cadre protecteur, mais son efficacité repose sur la capacité des victimes à faire valoir leurs droits et sur la volonté des employeurs d’assumer pleinement leurs obligations de prévention. Face à cette réalité, une approche préventive s’impose, associée à une réaction ferme et immédiate dès les premiers signaux d’alerte. La lutte contre le harcèlement moral nécessite l’implication coordonnée de tous les acteurs de l’entreprise : direction, encadrement, services RH, représentants du personnel et salariés. Pour les victimes, la constitution d’un dossier solide comportant des preuves tangibles reste déterminante pour faire reconnaître leur préjudice et obtenir réparation. L’accompagnement par des professionnels spécialisés (avocats, médecins, associations) constitue souvent un soutien précieux dans ce parcours judiciaire et personnel difficile.

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