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Comment expulser un locataire ?

Maître Zarah Abdullakhan
Rédigé par Maître Zarah Abdullakhan
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Face à un locataire qui ne respecte pas ses obligations, l’expulsion peut devenir la seule solution pour un propriétaire. Cette procédure, strictement encadrée par la loi, nécessite de suivre plusieurs étapes précises et de respecter des délais légaux.

Ce guide vous présente l’ensemble de la procédure d’expulsion locative, depuis les motifs légitimes jusqu’à l’exécution forcée, en passant par les différentes étapes judiciaires et les stratégies à adopter.

Comprendre les motifs légitimes d’expulsion d’un locataire

Avant d’entamer une procédure d’expulsion, le propriétaire doit s’assurer qu’il dispose d’un motif légitime reconnu par la loi.

Les loyers impayés : principal motif d’expulsion

Le non-paiement des loyers constitue le motif le plus fréquent d’expulsion. Dès le premier impayé, le bailleur peut engager des démarches, mais il est généralement recommandé d’attendre au moins deux mois d’impayés avant d’entamer la procédure judiciaire. La dette locative doit être clairement établie et documentée.

Le défaut d’assurance habitation

L’assurance habitation est une obligation légale pour tout locataire (article 7 de la loi du 6 juillet 1989). Le défaut d’assurance constitue un motif valable d’expulsion, car il expose le propriétaire à des risques significatifs en cas de sinistre.

Les troubles de voisinage et dégradations

Les troubles de voisinage répétés (nuisances sonores, comportements agressifs) ou les dégradations volontaires du logement peuvent justifier une expulsion. Toutefois, ces faits doivent être graves, répétés et prouvés par des témoignages, constats d’huissier ou plaintes.

Non-respect d’autres obligations contractuelles

D’autres manquements aux obligations du bail peuvent motiver une expulsion, notamment :

  • l’utilisation du logement à des fins professionnelles non autorisées ;
  • la sous-location sans autorisation ;
  • le non-respect d’une clause substantielle du contrat de bail.

La phase amiable : une étape préliminaire indispensable

Avant d’engager une procédure judiciaire coûteuse et longue, privilégier la recherche d’une solution amiable est vivement conseillé.

La conciliation avec le locataire

Une discussion franche avec le locataire permet souvent de comprendre sa situation et de trouver des arrangements comme un échelonnement de la dette locative. Un accord écrit définissant les modalités de remboursement peut être établi pour formaliser cet arrangement.

La mise en demeure : premier avertissement formel

Si le dialogue est rompu, l’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception constitue la première étape formelle. Ce courrier doit rappeler clairement au locataire ses obligations, détailler les manquements constatés et fixer un délai pour régulariser la situation.

Le recours à la médiation

La médiation par un tiers neutre (conciliateur de justice, association de locataires) peut débloquer une situation tendue. Cette démarche gratuite présente l’avantage de préserver la relation locative tout en cherchant une solution acceptable pour les deux parties.

Lancement de la procédure judiciaire : le commandement de payer par huissier

Si la phase amiable échoue, la procédure judiciaire commence véritablement avec le commandement de payer.

Rôle et importance du commandement de payer

Le commandement de payer est un acte délivré par un huissier de justice (désormais appelé commissaire de justice) qui somme le locataire de régler sa dette dans un délai de deux mois (ou 6 semaines en fonction de la date de signature du bail). Ce document doit mentionner précisément :

  • le montant des loyers et charges impayés ;
  • le délai de deux mois (ou six semaines) accordé pour régulariser la situation ;
  • les conséquences du non-paiement (clause résolutoire) ;
  • la possibilité de saisir le juge des contentieux de la protection pour demander des délais de paiement.

La clause résolutoire : un élément déterminant

La clause résolutoire, généralement présente dans les contrats de bail, permet la résiliation automatique du bail en cas de non-respect des obligations après l’expiration du délai fixé par le commandement de payer. Son déclenchement est une étape cruciale dans la procédure d’expulsion. Elle est notamment visée dans le commandement de payer délivré par l’huissier.

Intervention de l’huissier et signification

L’huissier de justice joue un rôle essentiel dans cette étape puisqu’il est le seul habilité à délivrer le commandement de payer. Il se déplace au domicile du locataire pour lui remettre en main propre ou, à défaut, à une personne présente au domicile. Si personne n’est présent, l’huissier laisse un avis de passage et dépose le document à l’étude ou au commissariat.

Saisine du tribunal et audience

Si le locataire ne régularise pas sa situation dans les deux mois suivant le commandement de payer, le propriétaire peut alors saisir le tribunal.

La saisine du Juge des Contentieux de la Protection

Le propriétaire doit saisir le Juge des Contentieux de la Protection (JCP) du tribunal judiciaire du lieu où se situe le logement. Cette saisine se fait par l’intermédiaire d’un huissier qui délivre une assignation au locataire.

L’assignation : contenu et délais

L’assignation est un document qui informe le locataire de la date d’audience et des demandes du bailleur. Elle doit être délivrée au minimum deux mois avant la date d’audience.

Ce document doit mentionner :

  • les coordonnées du propriétaire et du locataire ;
  • les motifs précis de la demande d’expulsion ;
  • les montants réclamés ;
  • la date, l’heure et le lieu de l’audience ;

Ainsi que les autres mentions obligatoires en matière d’assignation.

Il est fortement recommandé de passer par un avocat pour la rédaction de l’assignation.

Le déroulement de l’audience

Lors de l’audience, chaque partie peut exposer ses arguments. Le locataire peut demander des délais de paiement ou de départ. Le juge peut alors :

  • prononcer la résiliation du bail et ordonner l’expulsion ;
  • accorder des délais de paiement au locataire s’il estime que celui-ci pourra régulariser sa situation ;
  • suspendre la clause résolutoire sous conditions ;
  • rejeter la demande d’expulsion si les motifs sont insuffisants.

Attention, l’affaire n’est pas forcément jugée le jour de l’audience. En effet, des renvois peuvent être sollicités et accordés, allongeant ainsi la durée de la procédure judiciaire.

Une fois que l’affaire est plaidée, elle est mise en délibéré : la date de délibéré est la date où le jugement sera rendu et accessible.

La décision de justice et ses conséquences

La décision du juge est notifiée aux parties par le greffe du tribunal. Si le juge prononce la résiliation du bail et l’expulsion, le locataire devient un « occupant sans droit ni titre » et doit quitter les lieux dans le délai fixé par le jugement.

Le commandement de quitter les lieux après jugement d’expulsion

Une fois le jugement d’expulsion obtenu, une nouvelle étape commence avec le commandement de quitter les lieux.

Signification du jugement et délai

L’huissier signifie le jugement au locataire et lui délivre ensuite un commandement de quitter les lieux. Ce commandement accorde généralement un délai de deux mois au locataire pour libérer volontairement le logement.

Possibilités de délais supplémentaires

Le locataire peut demander des délais supplémentaires auprès du juge de l’exécution, notamment s’il rencontre des difficultés particulières pour se reloger. Ces délais sont désormais limités à un an maximum.

Conséquences du non-respect du commandement

Si le locataire ne quitte pas les lieux à l’expiration du délai, le propriétaire peut passer à l’étape suivante : l’expulsion forcée avec le concours de la force publique.

L’exécution forcée de l’expulsion

Lorsque toutes les tentatives amiables et les délais légaux sont épuisés, l’expulsion forcée devient la dernière option.

La demande de concours de la force publique

Si le locataire refuse de quitter les lieux, l’huissier dresse un procès-verbal de tentative d’expulsion et sollicite le concours de la force publique auprès du préfet. Cette demande se fait par un courrier détaillant la situation et joignant les documents justificatifs (jugement, commandement de quitter les lieux).

Le rôle du préfet dans la procédure

Le préfet dispose d’un délai de deux mois pour répondre à la demande de concours de la force publique. Il peut :

  • accorder le concours de la force publique ;
  • refuser explicitement (décision rare) ;
  • garder le silence, ce qui équivaut à un refus implicite après deux mois.

Déroulement de l’expulsion avec force publique

Lorsque le concours de la force publique est accordé, l’huissier fixe une date d’expulsion et en informe le locataire. Le jour prévu, l’huissier se présente au domicile, accompagné des forces de l’ordre (police ou gendarmerie) et parfois d’un serrurier.

Les biens du locataire sont inventoriés. Selon les cas :

  • ils peuvent être déposés sur la voie publique (pratique de moins en moins courante) ;
  • déménagés vers un lieu de stockage aux frais du locataire ;
  • conservés par l’huissier pendant un délai d’un mois.

La trêve hivernale : impacts et limites sur les expulsions

La trêve hivernale constitue une protection temporaire importante pour les locataires.

Période et protection de la trêve hivernale

Du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante, aucune expulsion locative ne peut être exécutée, même avec un jugement. Cette période a été instituée pour protéger les personnes vulnérables pendant les mois les plus froids.

Exceptions à la trêve hivernale

Certaines situations ne bénéficient pas de la protection de la trêve hivernale :

  • les squatteurs occupant un logement sans titre ;
  • les époux dont le logement a été attribué à l’autre conjoint par décision de justice ;
  • les personnes relogées dans un habitat décent correspondant à leurs besoins ;
  • les occupants d’immeubles frappés d’un arrêté de péril.

Planifier sa stratégie d’expulsion en fonction de la trêve

Pour un propriétaire, il est essentiel d’intégrer la trêve hivernale dans sa stratégie. Engager une procédure juste avant la trêve peut signifier plusieurs mois d’attente supplémentaires.

Cas particuliers et exceptions

Certaines situations spécifiques nécessitent une approche adaptée.

Locataire en situation de surendettement

Si le locataire a déposé un dossier de surendettement, la commission de surendettement peut recommander la suspension des poursuites pendant une durée maximale de deux ans. Le juge peut suivre cette recommandation et suspendre la procédure d’expulsion.

Expulsion de squatteurs

Les squatteurs (occupants sans droit ni titre dès l’entrée dans les lieux) bénéficient d’une procédure accélérée depuis la loi ASAP de 2020. Le propriétaire peut demander au préfet une mise en demeure de quitter les lieux sous 24h à 72h, sans passer par une décision de justice pour les squats de résidence principale ou secondaire.

Expulsion en cas de vente du bien loué

La vente d’un logement loué ne permet pas d’expulser automatiquement le locataire. L’acquéreur doit respecter le bail en cours, sauf s’il peut invoquer une clause résolutoire pour des motifs légitimes ou un congé pour vente délivré avant l’acquisition.

Ce que le propriétaire ne doit pas faire

Certaines actions peuvent se retourner contre le propriétaire et aggraver sa situation.

Se faire justice soi-même : risques et sanctions

Changer les serrures, couper les services (eau, électricité), exercer des pressions ou menaces ou encore jeter les affaires du locataire sont des actions interdites qui constituent un délit de « violation de domicile ». Ces comportements peuvent entraîner jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

Harcèlement et pressions illégitimes

Tout comportement visant à faire partir le locataire par la contrainte psychologique ou physique est strictement interdit et peut être poursuivi pénalement comme du harcèlement.

Recours abusifs et conséquences

Multiplier les procédures judiciaires sans motif légitime peut être qualifié d’abus de droit et conduire à des condamnations à des dommages-intérêts en faveur du locataire.

Coût et durée estimée d’une procédure d’expulsion locative

Une procédure d’expulsion représente un investissement significatif en temps et en argent.

Budget à prévoir pour une expulsion

Le coût total d’une procédure d’expulsion varie généralement entre 2 000 € et 5 000 €, comprenant :

  • frais d’huissier (500 € à 1 000 €) ;
  • honoraires d’avocat ;
  • frais de procédure (environ 200 €) ;
  • éventuels frais de serrurier et déménagement (300 € à 800 €).

Délais moyens d’une procédure complète

La durée moyenne d’une procédure d’expulsion, de la mise en demeure à l’expulsion effective, est de 18 à 24 mois, voire davantage si la trêve hivernale intervient ou si des recours sont formés par le locataire.

Indemnisations possibles en cas de refus du concours de la force publique

Si le préfet refuse d’accorder le concours de la force publique malgré un jugement d’expulsion, le propriétaire peut demander une indemnisation à l’État pour le préjudice subi (loyers impayés, frais engagés). Cette demande se fait auprès du tribunal administratif.

Conclusion : stratégies efficaces pour les propriétaires

La procédure d’expulsion d’un locataire est un parcours complexe qui demande patience et rigueur. Pour le propriétaire, plusieurs stratégies peuvent optimiser ce processus difficile :

  • privilégier systématiquement la négociation amiable avant toute action judiciaire ;
  • documenter rigoureusement tous les manquements du locataire ;
  • s’entourer de professionnels compétents (avocat spécialisé, huissier) ;
  • anticiper les délais, notamment par rapport à la trêve hivernale ;
  • envisager des solutions alternatives comme le rachat du bail ou une aide au relogement.

L’expulsion doit rester un dernier recours après épuisement de toutes les solutions amiables. Bien menée, cette procédure permet au propriétaire de retrouver la jouissance de son bien tout en respectant les droits du locataire et le cadre légal.

Maître Zarah Abdullakhan

Oui, mais des protections supplémentaires existent. Le juge peut accorder des délais plus longs et le préfet hésite souvent à accorder le concours de la force publique sans solution de relogement. Les services sociaux sont systématiquement informés et peuvent intervenir pour aider la famille.

Dans le cas idéal, sans contestation ni demande de délais, la procédure prend au minimum 6 mois (mise en demeure, commandement de payer avec délai de 2 mois, procédure judiciaire, délai de 2 mois après le commandement de quitter les lieux).

Le jugement d’expulsion condamne généralement le locataire au paiement des loyers impayés. Le propriétaire peut alors engager des procédures d’exécution (saisie sur salaire, saisie des comptes bancaires) avec l’aide d’un huissier. Toutefois, si le locataire est insolvable, le recouvrement peut s’avérer difficile voire impossible.

Non, une fois expulsé légalement, le locataire n’a plus aucun droit d’occupation. S’il revient dans les lieux, il devient squatteur et peut faire l’objet d’une procédure d’expulsion accélérée, sans bénéficier des protections habituelles.

La garantie VISALE, proposée par Action Logement, couvre les loyers impayés mais pas directement les frais de procédure d’expulsion. Toutefois, en prenant en charge les loyers impayés, elle peut permettre au propriétaire de financer la procédure.

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Cet article reflète l’analyse de son auteur et n’engage que sa responsabilité. Il est conforme à la législation et à la jurisprudence en vigueur à la date de publication. Toutefois, le droit évoluant constamment, il est conseillé de consulter un avocat pour s’assurer de l’actualité des informations. Vous pouvez contacter un professionnel via notre annuaire ou déposer directement votre demande dans notre section dédiée.

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