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Arrêt CJUE sur la nationalité et les passeports dorés

Le 29 avril 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), réunie en grande chambre, a rendu un arrêt décisif dans l’affaire C‑181/23 Commission européenne contre République de Malte.

L’enjeu : l’examen de la compatibilité d’un programme maltais de « passeport doré » avec le droit de l’Union. Ce dispositif permettait l’octroi de la nationalité maltaise (et donc de la citoyenneté européenne) en échange d’investissements financiers. Cet article détaille les fondements juridiques de l’arrêt, les motivations de la Cour et les conséquences potentielles pour d’autres États membres.

Le programme maltais de citoyenneté par investissement : un système controversé

Origine et fonctionnement du programme

Depuis 2013, Malte proposait un « programme des investisseurs individuels » qui permettait l’acquisition de la nationalité en contrepartie d’un ensemble de conditions de nature financière :

  • une contribution directe de 600 000 € ou 750 000 € au budget national ;
  • l’achat ou la location de biens immobiliers d’une valeur minimale de 700 000 € ;
  • un don d’au moins 10 000 € à une organisation non gouvernementale ;
  • une période de résidence préalable pouvant être réduite moyennant un apport financier supplémentaire ;
  • une vérification d’éligibilité du demandeur par les autorités maltaises.

Ce dispositif est une opportunité d’accéder à la citoyenneté européenne, avec notamment le droit de circuler librement dans l’UE. C’est cette nature transactionnelle qui a attiré l’attention de la Commission européenne.

L’encadrement européen de la nationalité : compétence nationale mais non absolue

Le cadre juridique de l’Union

Selon l’article 20 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), et l’article 9 du TUE (Traité sur l’Union européenne), toute personne ayant la nationalité d’un État membre est automatiquement citoyenne de l’Union. Or, la définition des conditions d’acquisition de la nationalité reste une compétence des États membres. Cependant la CJUE rappelle que cette compétence doit être exercée dans le respect du droit de l’Union, en particulier :

  • le principe de coopération loyale (article 4 §3 TUE) ;
  • le respect des valeurs communes de l’UE (article 2 TUE) ;
  • la nécessité d’un lien authentique et durable entre l’individu et l’État.

La CJUE a déjà reconnu que les effets de l’octroi de la nationalité d’un État membre se répercutent à l’échelle européenne. En effet, en acquérant la nationalité d’un État membre, le nouveau citoyen européen peut disposer d’un droit de séjour, de travail et de participation politique dans les autres États membres.

L’analyse de la CJUE : une commercialisation prohibée de la citoyenneté européenne

Une rupture avec le principe de solidarité

La Cour constate que les critères du programme maltais reposent principalement sur des paiements financiers, sans évaluation réelle du lien entre le demandeur et Malte. Elle considère que cela méconnaît l’exigence d’un rapport particulier de solidarité et de loyauté, pourtant indispensable à l’octroi de la nationalité.

La Cour souligne également que cette démarche met en péril la confiance mutuelle entre les États membres, en ce que ceux-ci doivent pouvoir présumer que la nationalité accordée par l’un d’eux repose sur des critères objectifs et conformes aux valeurs de l’UE.

Conséquences juridiques et politiques de l’arrêt CJUE sur les passeports dorés

Un signal fort pour les autres États membres

Par cet arrêt, la CJUE envoie un message clair : un programme de nationalité fondé sur une logique purement économique n’est pas en accord avec les principes fondamentaux de l’Union. Cette jurisprudence aura des répercussions importantes pour d’autres pays ayant mis en place ou envisagé de tels dispositifs (Chypre, Bulgarie, etc.).

Les États membres devront désormais s’assurer que toute mesure relative à l’octroi de la nationalité respecte les critères d’intégration réelle et d’égalité des droits et devoirs entre citoyens européens.

En réaffirmant que la citoyenneté européenne ne peut être achetée, la CJUE renforce la vision d’une Union fondée sur des valeurs et non sur des transactions. L’arrêt C-181/23 marque un tournant dans l’encadrement juridique des politiques de naturalisation dans l’UE et pourrait servir de base à de futures actions en manquement contre d’autres pratiques similaires.

Résumé des points clés

  • La nationalité d’un État membre donne accès à la citoyenneté européenne.
  • Le programme maltais de 2020 fondé sur des contributions financières ne respecte pas le droit de l’Union.
  • La CJUE rappelle que la nationalité doit reposer sur un lien de solidarité et de loyauté.
  • L’arrêt encadre cet aspect de la naturalisation qui est normalement une prérogative exclusive des États.

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