Contexte de l’affaire CJUE Kinsa : faits et procédure
Le litige oppose OB, ressortissante d’un pays tiers, au ministère public italien. Le 27 août 2019, OB se présente à l’aéroport de Bologne avec sa fille et sa nièce, toutes deux mineures, en utilisant de faux passeports. Elle est poursuivie pour aide à l’entrée irrégulière de ressortissants d’un pays tiers, en vertu de l’article 12 du texte unique italien sur l’immigration, transposant la directive 2002/90/CE.
Le Tribunale di Bologna a saisi la CJUE pour savoir si ce comportement, bien que techniquement illicite, pouvait être exclu du champ d’application de l’infraction pénale, compte tenu des droits garantis par la Charte, notamment le respect de la vie familiale (article 7) et les droits de l’enfant (article 24).
L’interprétation de la directive 2002/90/CE à la lumière de la Charte
Une obligation d’interprétation conforme
La CJUE rappelle que les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées de manière conforme aux droits fondamentaux. Dans ce contexte, la directive 2002/90/CE, qui définit les comportements constitutifs d’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, doit être lue à la lumière des articles 7, 18 et 24 de la Charte.
La notion d’aide à l’entrée irrégulière et ses limites
La CJUE considère que faire entrer des enfants à l’égard desquels une personne exerce la garde effective ne relève pas de l’infraction prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive. Elle juge qu’il ne s’agit pas d’une aide à l’immigration clandestine, mais d’un acte conforme à une responsabilité familiale légitime.
Les droits fondamentaux en jeu dans l’arrêt CJUE Kinsa
Respect de la vie familiale (article 7 de la Charte)
L’incrimination d’un tel comportement porterait atteinte au contenu essentiel du droit au respect de la vie familiale. La Cour souligne que la séparation forcée d’une adulte et des mineures placées sous sa garde serait disproportionnée et contraire à la Charte.
Droits de l’enfant (article 24 de la Charte)
L’arrêt met en avant l’obligation de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. Sanctionner pénalement la personne assurant leur protection aurait des répercussions graves sur leur bien-être et développement.
Droit d’asile (article 18 de la Charte)
La CJUE réaffirme que toute personne a le droit de demander l’asile, même après une entrée irrégulière. Dès le dépôt de sa demande, OB ne peut être considérée comme en séjour irrégulier jusqu’au traitement de sa demande, et ce droit doit être pleinement garanti.
Conséquences juridiques de l’arrêt Kinsa pour les États membres
Encadrement strict de la transposition nationale
Les États membres doivent veiller à transposer la directive sans aller au-delà de son champ d’application. En particulier, ils ne peuvent criminaliser des comportements liés à des obligations familiales ou à l’exercice de droits fondamentaux.
Primauté de la Charte sur les législations nationales
Si une loi nationale ne peut être interprétée de manière conforme à la Charte, le juge national est tenu de l’écarter pour garantir la protection effective des droits garantis par le droit de l’Union.