La relation entre un avocat et son client repose sur un principe fondamental : la confiance. Mais que se passe-t-il lorsque cette confiance est rompue ou qu’un avocat refuse de prendre en charge votre dossier ? Un avocat est-il libre de choisir ses clients ou de se désengager d’une affaire en cours ? Cette question soulève de nombreuses interrogations sur les droits et obligations des avocats, ainsi que sur les recours possibles pour les clients. Explorons ensemble ce que prévoit la déontologie de la profession en la matière.
La liberté de l’avocat dans le choix de sa clientèle
La relation de confiance au cœur du mandat
La relation entre un avocat et son client s’inscrit dans un cadre particulier : celui du mandat de représentation, fondé sur une confiance réciproque. L’avocat n’est pas un simple prestataire de services, mais un conseiller qui doit pouvoir exercer sa mission en toute indépendance.
Cette liberté de choix est un principe fondamental de la profession. Un avocat dispose donc d’une marge de manœuvre importante pour accepter ou refuser de défendre un client potentiel, notamment au début de la relation professionnelle.
Les motifs légitimes de refus d’un dossier
Plusieurs raisons peuvent amener un avocat à décliner un dossier :
- Convictions personnelles : un avocat peut refuser un dossier qui heurte profondément ses valeurs, sans que cela constitue un manquement à ses obligations.
- Complexité technique : si l’affaire requiert une expertise dont l’avocat ne dispose pas, il est préférable qu’il oriente le client vers un confrère spécialisé.
- Problèmes d’honoraires : le non-paiement des honoraires dans un dossier précédent peut justifier un refus de prise en charge d’une nouvelle affaire.
- Charge de travail excessive : un avocat débordé peut légitimement refuser un dossier s’il estime ne pas pouvoir le traiter avec la diligence nécessaire.
- Manque de sérieux du dossier : si l’avocat considère que la demande est abusive ou vouée à l’échec.
Il faut noter que cette liberté connaît toutefois une exception notable : le cas de l’avocat commis d’office, qui obéit à des règles particulières que nous aborderons plus loin.
Quand l’avocat décide de se retirer d’une affaire en cours
La rupture du lien de confiance pendant la procédure
Une fois le mandat accepté, l’avocat peut-il se désengager ? La réponse est affirmative, mais sous certaines conditions strictes. La rupture du lien de confiance est souvent la raison principale d’un tel retrait. Elle peut survenir lorsque :
- Le client dissimule des informations importantes
- Des désaccords profonds apparaissent sur la stratégie à adopter
- Le client refuse de suivre les conseils de son avocat
- Des comportements inappropriés compromettent la relation professionnelle
Les formalités obligatoires pour se décharger d’un dossier
L’avocat qui souhaite cesser de défendre son client ne peut pas simplement « abandonner » le dossier. Il doit respecter plusieurs obligations formelles :
- Notification au client : l’avocat doit informer son client de sa décision de se retirer, idéalement par lettre recommandée avec accusé de réception. 2. Information du juge et de la partie adverse : dans le cadre d’une procédure en cours, l’avocat doit notifier formellement son retrait. 3. Respect d’un délai raisonnable : l’avocat ne peut pas se désister à la veille d’une échéance cruciale comme une audience.
Les restrictions au droit de retrait
La liberté de l’avocat de se retirer est particulièrement encadrée dans certaines situations :
- En cas de représentation obligatoire (comme devant la cour d’appel), l’avocat doit s’assurer que son client aura le temps de trouver un remplaçant.
- L’avocat ne peut pas se retirer d’une façon qui porterait préjudice aux intérêts de son client (par exemple juste avant la prescription d’une action).
- Le retrait ne doit pas être motivé par une volonté de nuire ou par discrimination.
Les obligations déontologiques malgré le refus ou le retrait
Le maintien du secret professionnel et des devoirs fondamentaux
Même lorsqu’un avocat refuse un client ou se retire d’un dossier, certaines obligations déontologiques demeurent intangibles :
- Le secret professionnel : l’avocat reste tenu au secret pour toutes les informations dont il a eu connaissance, même après la fin de sa mission.
- Le devoir de loyauté : il ne peut pas utiliser les informations obtenues dans le cadre du dossier contre son ancien client.
- L’obligation d’information : l’avocat doit informer son client des échéances importantes et des risques liés à son retrait.
La transmission du dossier et la continuité de la défense
Lorsqu’un avocat cesse de représenter son client, il a l’obligation de :
- Restituer l’intégralité du dossier au client ou, avec son accord, à son nouveau conseil
- Transmettre toutes les informations nécessaires à la poursuite de la procédure
- Restituer les provisions d’honoraires non utilisées pour des diligences non accomplies
Le cas particulier de l’avocat commis d’office
La situation de l’avocat commis d’office ou désigné au titre de l’aide juridictionnelle est spécifique :
- Il ne peut refuser sa mission que pour des motifs graves et exceptionnels
- Il doit obligatoirement obtenir l’autorisation préalable du Bâtonnier
- Les motifs de décharge doivent être particulièrement sérieux (conflit d’intérêts, impossibilité matérielle absolue, etc.)
L’obligation de refuser en cas de conflit d’intérêts
Il existe des situations où l’avocat n’a pas seulement la faculté, mais l’obligation de refuser ou de se retirer d’un dossier :
- Lorsqu’il représente déjà une partie adverse dans la même affaire
- S’il a précédemment conseillé ou représenté une partie dont les intérêts sont contraires
- Lorsqu’il détient des informations confidentielles susceptibles d’avantager une partie au détriment d’une autre
- Quand il existe un risque sérieux d’atteinte au secret professionnel
Dialoguer pour comprendre les motifs
Si votre avocat vous informe de sa volonté de ne plus vous défendre, la première démarche consiste à dialoguer avec lui pour comprendre ses raisons. Cette étape peut parfois permettre de résoudre des malentendus et de restaurer la relation de confiance.
Dans certains cas, le problème peut être lié à des questions purement pratiques (honoraires, communication) qui peuvent être résolues par une discussion franche.
Trouver un nouvel avocat rapidement
Si le retrait est définitif, il est essentiel de rechercher rapidement un nouvel avocat, particulièrement si des échéances procédurales approchent :
- Demandez des recommandations dans votre entourage
- Contactez le Barreau de votre juridiction qui pourra vous orienter
- Consultez les plateformes en ligne de mise en relation avec des avocats
- Pensez à l’aide juridictionnelle si vos ressources sont limitées
Trouver un avocat
Récupérer votre dossier complet
Votre ancien avocat a l’obligation de vous restituer l’intégralité de votre dossier. Cette transmission doit inclure :
- Toutes les pièces que vous lui avez confiées
- Les actes de procédure rédigés pour votre défense
- Les correspondances échangées dans le cadre du dossier
- Les décisions de justice obtenues
En cas de difficulté à récupérer ces éléments, vous pouvez solliciter l’intervention du Bâtonnier.
Les recours en cas de manquement ou de litige avec votre avocat
La contestation des honoraires
Si vous estimez que votre avocat n’a pas respecté ses engagements concernant ses honoraires ou si vous contestez le montant facturé après son retrait, vous pouvez :
- Demander une médiation auprès du médiateur de la consommation désigné par le Barreau
- Saisir le Bâtonnier d’une requête en taxation d’honoraires, qui constitue un préalable obligatoire avant toute action judiciaire
La plainte disciplinaire pour manquement déontologique
Si vous considérez que votre avocat a manqué à ses obligations déontologiques dans la manière dont il a refusé ou abandonné votre dossier, vous pouvez déposer une plainte disciplinaire :
- Adressez un courrier détaillé au Bâtonnier de l’Ordre des avocats 2. Le Bâtonnier peut engager une enquête déontologique 3. En cas de manquement avéré, l’avocat s’expose à des sanctions disciplinaires allant de l’avertissement à la radiation
L’action en responsabilité civile professionnelle
Dans les cas les plus graves, lorsque le retrait de l’avocat vous a causé un préjudice direct et certain, vous pouvez envisager une action en responsabilité civile professionnelle. Pour cela, vous devrez établir :
- L’existence d’une faute de l’avocat (retrait brutal sans préavis, non-respect des procédures de retrait…)
- Un préjudice direct et certain (perte de chance de gagner votre procès, forclusion d’un délai d’appel…)
- Un lien de causalité entre la faute et le préjudice
Cette action doit être engagée devant le tribunal judiciaire contre l’avocat et/ou sa compagnie d’assurance.
Conclusion
Si un avocat dispose d’une liberté certaine pour choisir ses clients et peut se retirer d’un dossier sous conditions, cette liberté s’accompagne d’obligations déontologiques strictes visant à protéger les intérêts du justiciable. La relation avocat-client, fondée sur la confiance, implique des droits et des devoirs réciproques.
En cas de désaccord, privilégiez d’abord le dialogue, puis les solutions amiables comme la médiation. En dernier recours, le Bâtonnier reste l’interlocuteur privilégié pour trancher les différends entre un avocat et son client, que ce soit sur le plan des honoraires ou des manquements déontologiques.
L’essentiel est de réagir promptement face au retrait d’un avocat pour garantir la continuité de votre défense et préserver vos droits dans les procédures en cours.
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