Le 2 mai 2025, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a publié une nouvelle circulaire sur la naturalisation, marquant un tournant dans la politique d’accès à la nationalité française. La circulaire Retailleau sur la naturalisation insiste sur un renforcement des conditions d’octroi de la nationalité, notamment sur la maîtrise de la langue française, de l’insertion professionnelle et du respect des valeurs républicaines.
Cet article explique en détail le contenu de cette circulaire, son cadre juridique, ses conséquences pratiques pour les demandeurs, ainsi que les critères désormais plus exigeants.
📜 Qu’est-ce qu’une circulaire en droit français ?
Définition et place dans la hiérarchie des normes
Une circulaire est un texte administratif par lequel un ministre donne des instructions à ses services (en l’occurrence ici, aux préfets) sur la manière d’appliquer une loi ou un règlement. Elle n’a pas de valeur législative, mais oriente l’action administrative.
La circulaire n’instaure pas de nouvelles règles juridiques, mais interprète ou précise les modalités d’application de règles déjà existantes.
Dans ce cas précis, la circulaire Retailleau vient encadrer plus strictement l’application des articles 21-15 à 21-27 du Code civil et du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 sur la naturalisation.
🇫🇷 La naturalisation par décret : un processus encadré et discrétionnaire
La naturalisation par décret est l’un des moyens pour un étranger d’acquérir la nationalité française. Elle est soumise à l’appréciation souveraine de l’État et repose sur plusieurs critères, notamment :
- la résidence régulière et continue en France ;
- l’intégration républicaine (adhésion aux valeurs de la République) ;
- la maîtrise suffisante de la langue française ;
- l’autonomie financière.
Cette naturalisation repose sur l’article 21-24 du Code civil, qui impose l’assimilation du candidat à la communauté française. Cela inclut une connaissance suffisante de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, ainsi que des droits et devoirs conférés par la nationalité française. L’adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République est également indispensable. À l’issue de cette évaluation, le demandeur doit signer la charte des droits et devoirs du citoyen français, rappelant les principes, valeurs et symboles de la République.
Toutefois, la jurisprudence rappelle que la naturalisation n’est pas un droit. Le Conseil d’État a précisé (CE, 30 mars 1984, n°40735, Ministre des affaires sociales et de la solidarité c/M. Abecassis) que « Le fait de remplir les diverses conditions exigées ne donne aucun droit à aboutir à la naturalisation, laquelle constitue une faveur accordée par l’État français à un étranger ». L’octroi de la nationalité demeure donc une faveur souveraine de l’État.
La circulaire Retailleau sur la naturalisation : les critères désormais plus exigeants
La circulaire Retailleau sur la naturalisation s’inscrit dans une volonté politique de fermeté sur les questions migratoires. Bien que le fond du droit ne soit pas modifié, le ton est nettement plus restrictif. Le ministre précise que : « Devenir Français doit se mériter. »
1. L’assimilation à la communauté nationale
1.1. Maîtrise renforcée de la langue française
À compter du 1er janvier 2026, le niveau de langue exigé passera du niveau B1 au niveau B2 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Cette exigence concerne également les conjoints de Français sollicitant une déclaration de nationalité.
1.2. Examen civique obligatoire
Un examen civique sera instauré, en lien avec celui déjà prévu pour les cartes de séjour pluriannuelles. Il portera sur la connaissance de l’histoire, des valeurs de la République et des droits et devoirs du citoyen. Il entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2026.
1.3. Adhésion aux valeurs de la République
L’entretien d’assimilation portera une attention particulière à l’égalité femme-homme et à la laïcité. La Charte des droits et devoirs du citoyen français, approuvée par décret en 2012 (décret n° 2012-127 du 30 janvier 2012 approuvant la charte des droits et devoirs du citoyen français prévue à l’article 21-24 du code civil), sera un outil central pour vérifier l’adhésion du candidat aux principes républicains.
2. Comportement exemplaire du demandeur
2.1. Moralité et respect de la loi
Tout comportement répréhensible peut entraîner un rejet ou un ajournement de la demande de naturalisation. Une condamnation pénale peut entraîner une décision d’irrecevabilité automatique (article 21-27 du Code civil).
2.2. Séjour régulier exigé
Les préfets devront déclarer irrecevable ou rejeter les demandes des personnes :
- ayant eu un séjour irrégulier significatif ;
- ayant aidé au séjour irrégulier d’un tiers ;
- ayant multiplié les procédures dilatoires pour se maintenir sur le territoire.
3. Autonomie financière et insertion durable
3.1. Insertion professionnelle sur 5 ans
Les demandeurs doivent justifier d’une activité professionnelle stable pendant cinq années. Pour les salariés, un CDI de plus d’un an ou 24 mois de CDD consécutifs sont exigés.
Les cas particuliers comme les personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies longue durée ne sont pas concernés par cette condition.
3.2. Niveau et origine des revenus
Les revenus doivent :
- être stables et suffisants (niveau déterminé par rapport au SMIC et à la composition familiale) ;
- être hors prestations sociales ;
- ne pas provenir majoritairement de l’étranger.
3.3. Profils à fort potentiel
Des dérogations d’appréciation peuvent être envisagées pour les profils « hautement qualifiés » : étudiants de haut niveau, chercheurs, artistes, sportifs, titulaires de passeports talents, etc.